dimanche 15 février 2015

Erenpil en Mongolie


Le campement (ail) de Tömörbaatar à Ölziit, août 2012, © R. Blanchier



17 août 2012. Du matin au soir, dans les ail, les campements des nomades au bord de la rivière, on rassemble les juments pour les traire. La saison de l’airag, le lait de jument fermenté, bat son plein. On ne s’occupe des vaches et des bris, les femelles yak, qu’à la nuit. Dans le noir qui tombe tôt, les ombres des femmes, le pêle-mêle des vaches et des veaux qui piétinent autour des yourtes. Tömörbaatar est parti à moto chercher un tronc de mélèze pour le bois de chauffe. Je suis resté sur place, aider les femmes. Le nez en l’air, selon une habitude paresseuse et qui m’est chère, je médite, le front dans le soleil déjà couché, lorsqu’Angaa fait entendre sa voix mélodieuse depuis l’enclos où l’on détache les veaux : Erenpil ! Erenpil ! Mon esprit erre dans mes souvenirs de l’étude scientifique des huchements adressés au bétail : depuis quand parle-t-on aux veaux en disant « Erenpil » ? Et l’appel se poursuit, impérieux, indiscutable : « Erenpil, viens ici nous aider ! Erenpil ! ». Et là, je comprends tout : Erenpil, ce n’est pas un veau, c’est moi ! C’est moi qu’on appelle à l’aide à l’enclos des veaux ! Ce que c’est que de rêvasser à l’heure de l’ouvrage ! Je quitte mon nez en l’air et j’accours, l’air contrit ; je ne suis pas encore bien habitué à mon nouveau nom mongol. 


15 août 2012
« C’est quoi ton nom ?
-       Raphaël
-       Eh ?
-       Euh, Arafel, dis-je en mongolisant autant que je peux la prononciation de mon nom de baptême, moi qui ne fus pas baptisé.
-       Erpel ?
-       Non, euh, oui, oui c’est bon, je me reconnaîtrai… il n’y en a pas deux comme moi par ici. Il ne s’agit pas d’embarrasser mes précieux hôtes par ce genre de détails !
-       Non, ton nom, il est imprononçable, je m’en souviens jamais. Tu n’as pas un nom mongol ?
-        Euh ? non, pourquoi, il fallait ? (si on m’avait dit ça, à l’INALCO, en cours de langue…)
-       Notre autre ami français, son nom aussi est imprononçable (Adrien : effectivement, en mongol, c’est pire que Raphaël), on l’appelle Bold (ah oui, ça c’est un nom simple et bien mongol !)
-       On lui a donné un nom mongol, on va t’en donner un : tu t’appelleras, euh… Erenpil !

Et c’est ainsi que Raphaël au nom imprononçable devint, pour les besoins de la traite des vaches, Erenpil !

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